LES COMPTES ECONOMIQUES EN 2023
I- RÉSUMÉ : NOUVELLE CONTRACTION DE L'ECONOMIE EN 2023
Dans un contexte national marqué par l’instabilité sociopolitique, l’aggravation du « fléau » de l’insécurité et l’exode massif de la population vers d’autres cieux à la recherche d’un mieux-être, l’économie haïtienne, comme on pouvait s’y attendre, n’a pas pu renouer avec la croissance au cours de l’exercice fiscal 2022-2023, s’enfonçant davantage dans sa chute pour une cinquième année consécutive. En effet, le Produit Intérieur Brut (PIB), qui avait déjà décru de 1,7% en 2022, a atteint au cours de l’année fiscale 2023 un montant de 592,7 milliards de gourdes en valeur constante, contre 604,0 milliards en 2022, accusant ainsi une nouvelle chute, en volume, de 1,9%.
Hormis les contraintes structurelles, plusieurs facteurs négatifs sont à l’origine du déclin des activités économiques dans le pays en 2023. On peut citer entre autres :
Accentuation de la crise sécuritaire due notamment à la prolifération continue des gangs armés
Les regroupements de civils armés se sont multipliés un peu partout dans le pays pendant l’année fiscale 2023, accaparant ainsi beaucoup plus d’espace pour réaliser leurs forfaits criminels au grand dam des agents économiques en particulier et de toute la population en général. Avec une relative concentration dans l’Aire Métropolitaine de Port-Au-Prince, occupant notamment les principaux axes routiers reliant la capitale économique au reste du pays, les activités des gangs armés ont réduit énormément la libre circulation des gens et des marchandises, avec évidemment des conséquences incalculables sur les activités économiques.
En effet, certaines zones au niveau de l’Aire Métropolitaine et d’autres régions du pays réputées paisibles ont été envahies par les gangs armés. C’est le cas, par exemple, de Carrefour-Feuilles, de plusieurs quartiers de la Plaine du Cul de Sac, du prolongement de la Nationale #1 de Canaan jusqu’aux confins des Sources Matelas, de la Nationale #2 incluant Martissant et Fontamara, du tronçon de Morne à Cabri menant dans le Bas Plateau Central, du Bas Artibonite, la principale région rizicole du pays, etc. Ce « cataclysme humain » que constitue le fléau de l’insécurité a provoqué des déplacements massifs et désordonnés des riverains, un véritable sauve qui peut, occasionnant la détérioration des conditions de vie déjà précaires de la population. Ainsi, pour une nouvelle année consécutive, le phénomène de l’insécurité a été l’un des principaux obstacles ayant plombé l’économie haïtienne.
• Persistance de l’instabilité politique
La crise sociopolitique qui perdure n’est pas non plus sans conséquence sur l’atterrissage « violent » que l’économie a connu en 2023, avec comme toile de fond une nouvelle contraction du PIB et la ténacité de l’inflation à deux chiffres. Il est vrai que, contrairement aux périodes précédentes, la crise sociopolitique n’a pas charrié, cette année, derrière elle, les manifestations géantes et violentes auxquelles on est habitué. Ceci devrait être un atout favorable à la relance des activités et par conséquent à la croissance. Par contre, les agents économiques n’ont pas su mettre à profit ce calme apparent des rues, en raison justement du panorama sociopolitique délétère marqué par la hausse vertigineuse des cas de kidnapping.
Par ailleurs, les investisseurs, particulièrement étrangers, exigent habituellement un minimum de garanties institutionnelles afin de minimiser les risques associés à leurs investissements. A cet égard, l’absence prolongée des institutions prévues par la constitution, à cause de la persistance de la crise sociopolitique, se révèle être un très mauvais message envoyé aux nouveaux investisseurs potentiels qui pourraient être intéressés au marché haïtien.
• Attentisme et instinct de survie de certains agents économiques en raison de la dégradation continue du climat des affaires
Face au pourrissement de la situation sécuritaire du pays, beaucoup de gens du milieu des affaires se retrouvent être la proie des bandits qui leur extorquent de fortes sommes d’argent pour qu’ils puissent continuer à fonctionner, à demeurer dans les zones qui sont sous leur contrôle ou, tout simplement, pour pouvoir écouler leurs marchandises d’un point du territoire à un autre. Fort de tout cela, ces agents économiques n’avaient d’autre choix que de s’abstenir de se lancer dans de nouveaux projets d’investissements dont le risque d’enregistrer des pertes énormes était très élevé. Cette passivité, guidée par la prudence et l’instinct de survie qui ont caractérisé le comportement des agents économiques en 2023, de toute évidence, n’a pas contribué à booster l’économie.
• Retard dans l’exécution de certains grands projets de construction et de réhabilitation d’infrastructures publiques
Parmi les mesures qui étaient envisagées à la fin de l’année fiscale 2022 pour relancer la croissance en 2023, figurait l’exécution d’un certain nombre de grands travaux d’infrastructures publics, notamment dans le cadre du Plan de Relèvement Intégré de la Péninsule du Sud (PRIPS). Malheureusement, plusieurs de ces travaux qui étaient de nature à créer beaucoup de valeurs ajoutées, n’ont pas pu être concrétisés et d’autres ont pris du temps pour démarrer. Outre la situation générale du pays qui n’était pas tout à fait propice à cause de l’insécurité, certaines lourdeurs administratives n’ont pas non plus facilité l’avancement des dossiers pour l’exécution effective de certains travaux.
• Réduction importante de la main d’œuvre disponible
La réduction de la main d’œuvre disponible est une autre constante qui vient s’ajouter à cette multitude de risques auxquels l’économie haïtienne a eu à faire face au cours de ces cinq dernières années. La forte émigration enregistrée en 2023 parmi les couches les plus jeunes de la population en âge de travailler peut se révéler néfaste pour l’économie à court, moyen et long terme. En effet, le départ massif, en un si laps de temps, de beaucoup de jeunes cadres universitaires et de professions manuelles en Amérique du Nord et ailleurs, constitue une hémorragie sans précédent, affectant outre mesure la quantité de main d’œuvre qualifiée disponible dans l’économie. Cet important exode réalisé, de manière précipitée et parfois sans aucune planification, peut entrainer des effets retardés sur l’économie haïtienne, particulièrement au moment d’une relance effective des activités où on aura besoin d’une masse critique de jeunes cadres universitaires et autres.
Evidemment, contrairement aux attentes de plus d’un, cet environnement général plutôt hostile n’a pas permis à l’économie haïtienne de reprendre ses droits en 2023. Cette situation a mis à mal les opérateurs économiques évoluant dans les trois grands secteurs d’activité. Les facteurs de blocage déjà énoncés n’ont fait que détériorer une économie qui était déjà en plein marasme après quatre années successives de décroissance, mettant ainsi les agents économiques dans l’impossibilité d’augmenter la quantité de richesses créées en 2023 par rapport à celles de l’année fiscale 2022.
Ainsi, les trois grands secteurs de l’économie - primaire, secondaire et tertiaire ont tous vu leur valeur ajoutée contracter au cours de cet exercice, avec des montants respectifs de 95,6 milliards, 137,1 milliards et 316,2 milliards de gourdes à prix constants en 2023, contre 101,3 milliards, 142,4 milliards et 325,7 milliards en 2022. Il en est résulté des taux de croissance négatifs de -5,6%, -3,7% et de -2,9%, respectivement pour les secteurs Primaire, Secondaire et Tertiaire.
Du côté de l’Offre et de la Demande Globales, presque toutes les composantes du PIB ont contribué à son repli en 2023. Hormis la Consommation Finale qui a affiché une tendance haussière, le fléchissement du PIB dérive du déclin de toutes les autres composantes, telles que la Formation Brute de Capital Fixe, FBCF (Investissement) et l’Exportation. Parmi les facteurs qui ont rendu possible la relative hausse de la Consommation Finale, on peut noter les envois de fonds des travailleurs haïtiens à l’étranger et les « programmes sociaux du Gouvernement ».
En effet, par rapport à l’année dernière, les envois de fonds des travailleurs haïtiens à l’étranger ont légèrement décru (1,2%) en 2023, contre une chute (4,9%) relativement plus substantielle en 2022. On peut ainsi penser que les 3,8¹ milliards de dollars américains de cette année ont quand même fourni une bouffée d’oxygène aux ménages. Il y a lieu aussi de considérer l’apport des flux financiers de plusieurs milliards de gourdes inscrits dans le cadre du Programme d'Urgence Multisectoriel d'Apaisement et de Réinsertion Sociales des Groupes Vulnérables (PUMARSGV), mis en place par le Gouvernement et financé par le Trésor Public.
TABLEAU 1
VALEUR AJOUTÉE PAR GRANDS SECTEURS D'ACTIVITÉ
EN MILLION DE GOURDES CONSTANTES
De 2018-2019 A 2022-2023
BASE 2011-2012
VARIATION | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|
SECTEURS D'ACTIVITÉ | 2018-2019 | 2019-2020 | 2020-2021 | 2021-2022 | 2022-2023 | Annuelle |
En 2023 | ||||||
SECTEUR PRIMAIRE | 116 735 | 110 573 | 106 066 | 106 066 | 101 277 | -5,6 |
SECTEUR SECONDAIRE | 153 869 | 146 314 | 142 731 | 142 442 | 137 150 | -3,7 |
SECTEUR TERTIAIRE | 343 447 | 339 375 | 330 994 | 325 720 | 316 223 | -2,9 |
VALEUR AJOUTÉE BRUTE TOTALE | 614 051 | 596 262 | 579 791 | 569 439 | 548 968 | -3,6 |
SOURCE: DSE / IHSI
Graphique 1
Répartition du PIB Sectoriel
En ce qui concerne les Prix à la Consommation, cette fameuse inflation à deux chiffres qui a du mal à refluer continue à éroder le pouvoir de la monnaie, même si au cours des derniers mois de l’exercice fiscal on a assisté à un certain ralentissement du rythme de l’inflation, comparé aux pics de croissance de l’année dernière. L’inflation a terminé l’année fiscale 2023 avec des taux d’accroissement en moyenne et glissement annuels de 44,1% et de 31,8%, contre respectivement 27,6% et 38,7%. Contrairement à l’année dernière, cette fois-ci ce sont majoritairement des facteurs internes qui ont influencé le comportement à la hausse de l’inflation. Parmi ces facteurs on relève :
• Installation de « postes de péage » par les groupes armés.
L’existence de points spécifiques pour rançonner les transporteurs de passagers et de marchandises sur les principaux axes routiers reliant la capitale économique aux autres départements géographiques du pays est peut-être l’élément le plus déterminant dans la hausse des prix de revient des marchandises. C’est une situation qui est hors de tout contrôle et le montant à payer peut être revu à la hausse d’un jour à l’autre suivant l’humeur des chefs de gangs. Même si cette mauvaise pratique est susceptible, dans certains cas, d’impacter les marges des entrepreneurs, il est évident que c’est surtout le consommateur final qui aura à subir cet accroissement des prix de revient.
Tableau 2
Evolution mensuelle de l'Indice des Prix à la Consommation (IPC)
au cours des deux derniers exercices fiscaux
Mois | 2020-2021 | 2021-2022 | 2022-2023 | Glissement annuel en % | Glissement annuel en % |
Octobre | 157.7 | 188.7 | 277.7 | 19.7 | 47.1 |
Novembre | 158.5 | 197.5 | 287.4 | 24.6 | 45.5 |
Décembre | 160.1 | 199.5 | 295.8 | 24.6 | 48.2 |
Janvier | 162 | 200.8 | 299.7 | 24.0 | 49.3 |
Février | 163.7 | 204.9 | 303.6 | 25.2 | 48.2 |
Mars | 165.5 | 208.3 | 308.8 | 25.8 | 48.3 |
Avril | 167.0 | 211.6 | 312.9 | 26.7 | 47.9 |
Mai | 168.7 | 215.6 | 315.7 | 27.8 | 46.4 |
Juin | 170.8 | 220.4 | 317.1 | 29.0 | 43.9 |
Juillet | 174.3 | 227.5 | 317.9 | 30.5 | 39.8 |
Aout | 177.9 | 234.9 | 322.4 | 32.0 | 37.3 |
Septembre | 180.5 | 250.2 | 329.9 | 38.6 | 31.8 |
Moyenne Annuelle | 167.2 | 213.3 | 307.4 | 27.6 | 44.1 |
Source Bureau des Prix / IHSI
Graphique 2
Evolution mensuelle de l’Indice des Prix à la Consommation
Variation en glissement annuel
• Anticipation des agents économiques
La situation d’incertitude qui a prévalu porte souvent les agents économiques (producteurs et ménages) à se livrer à des anticipations qui ont certainement des effets sur les prix des produits. C’est quasiment une sorte de spirale. Les agents pensent que les prix vont renchérir, donc, automatiquement ils augmentent leurs prix de vente.
• Déséquilibre entre l’Offre et la Demande de biens sur le marché
La mauvaise performance de l’agriculture en 2023 ainsi que la baisse des importations ont provoqué une certaine diminution de l’offre des produits locaux et importés sur le marché. De même que les difficultés d’approvisionnement liées aux problèmes rencontrés par les transporteurs sur les axes routiers contrôlés par les bandits sont souvent à l’origine des raretés de certains produits.
Il convient aussi de noter que, contrairement à l’année dernière, il y a certains facteurs qui, cette fois-ci, ont plutôt contribué à un certain ralentissement de l’inflation au cours du deuxième semestre de l’exercice fiscal 2022-2023. On peut mentionner par exemple :
• Chute des cours mondiaux
Selon la FAO, l’indice mondial des prix alimentaires qui était de 143,7 en 2022 est tombé à 124,7 en 2023, soit une chute de 13,3%. Tenant compte du poids relativement élevé des produits alimentaires importés dans le panier de la ménagère, cette diminution des prix sur le marché international participe à la décélération observée dans le rythme de l’inflation en 2023. L’impact de l’inflation importée a été moindre cette année.
• Plus grande disponibilité des produits pétroliers sur le marché local.
Par rapport à la crise pétrolière que l’économie haïtienne avait connue l’année dernière, une nette amélioration a été observée cette année dans la distribution des produits pétroliers, particulièrement dans l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince. Ceci évite les hommes d’affaire en particulier et les ménages en général à aller s’approvisionner à prix fort sur le marché informel, comme c’était le cas l’année dernière.
• Relative baisse du taux de change.
Même si les niveaux du taux de change (taux de référence de la BRH) en 2023 restent nettement supérieurs à ceux de l’année fiscale 2022, des baisses successives ont été observées à partir du mois d’avril, passant de 153,3 gourdes pour un dollar à 134,7 gourdes en septembre. Cette relative stabilisation de la baisse du taux de change au cours du deuxième semestre de l’exercice fiscal a pu aussi, probablement, influencer le comportement des agents économiques. Il est à noter qu’il existe, certes, une différence de niveau entre les taux de référence de la BRH, ceux pratiqués par les banques commerciales et ceux du secteur informel, mais, généralement, ils épousent la même tendance à la hausse ou à la baisse.
Tableau 3
Evolution du taux de change 1
au cours des deux derniers exercices fiscaux
Mois | 2020-2021 | 2021-2022 | 2022-2023 | Glissement annuel en % | Glissement annuel en % |
Octobre | 64.0 | 99.8 | 122.1 | 55.9 | 22.4 |
Novembre | 64.3 | 98.7 | 135.1 | 53.6 | 36.8 |
Décembre | 71.3 | 100.1 | 143.1 | 40.5 | 43.0 |
Janvier | 72.5 | 101.2 | 147.1 | 39.7 | 45.4 |
Février | 74.1 | 102.1 | 149.3 | 37.8 | 46.2 |
Mars | 78.1 | 104.4 | 152.6 | 33.6 | 46.2 |
Avril | 82.7 | 106.2 | 153.3 | 28.4 | 44.4 |
Mai | 88.1 | 109.1 | 143.1 | 23.9 | 31.1 |
Juin | 91.2 | 112.6 | 138.1 | 23.5 | 22.7 |
Juillet | 93.7 | 113.6 | 137.0 | 21.3 | 20.6 |
Aout | 96,2 | 121.3 | 135.9 | 26.1 | 12.0 |
Septembre | 97.4 | 116.5 | 134.7 | 19.6 | 15.7 |
Moyenne Annuelle | 81.1 | 107.1 | 141.0 | 32.1 | 31.6 |
1: Taux de référence de la BRH
SOURCE:IHSI/BRH
Graphique 3
Evolution mensuelle du taux de change Variation en glissement annuel
II- ANALYSE SECTORIELLE DU PIB
2.1- Baisse continue de l'Agriculture(CITI 01-03)
Après avoir fléchi de 4.5 % en 2022, la branche Agriculture, Sylviculture, Elevage et Pêche a de nouveau décru en 2023 en accumulant 89,7 milliards de gourdes de valeur ajoutée à prix constants, contre 95,0 milliards en 2022, soit une chute de 5,6%.
En effet, selon les informations quantitatives et qualitatives en provenance, du Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) ainsi que de la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) , la mauvaise performance de la production agricole est la résultante d’un ensemble de chocs récurrents et d’autres contraintes tant naturelles, conjoncturelles que structurelles auxquelles le secteur est encore confronté.
Très sensible aux vulnérabilités du pays, la production de ce secteur a été impactée par les aléas climatiques qui se sont révélés défavorables à son amélioration au cours de l’exercice. Les rudes sécheresses de l’année, combinées à certaines périodes avec des précipitations se situant en marge du niveau de normalités, ont été à la base des déficits de végétation enregistrés dans plusieurs régions agro écologiques, affectant ainsi la performance globale des différentes campagnes agricoles.
Cette situation s’est soldée par d’importantes pertes de récoltes de cultures céréalières et maraîchères, de légumineuses ainsi que de tubercules, principales cultures des exploitants agricoles du pays. La production de certaines denrées telles que le riz, le maïs, le sorgho ainsi que les haricots ont fléchi respectivement de -17,2%, -14,5%, -5,8% et de -3,8%. De leur côté, les tubercules ainsi que les cultures maraîchères ont enregistré des accroissements négatifs atteignant respectivement en moyenne -4,2% et -3,3%.²
Hormis les contraintes naturelles qui impactent habituellement la productivité des cultures, le secteur agricole continue de faire face à toute une panoplie de contraintes et d’obstacles qui ne sont pas prêts d’être résolus en dépit de multiples efforts entrepris pour les enrayer. Parmi ces obstacles, on peut citer sur le plan structurel :
a) La défaillance des infrastructures agricoles.
b) Les contraintes liées à la dégradation des espaces cultivables.
c) Les contraintes d’irrigation.
d) ) Le manque d’investissement dans le secteur.
e) Les contraintes liées à l’insécurité foncière.
f) La décapitalisation des familles et exploitants agricoles.
g) Le manque de crédits en faveur des exploitants agricoles.
h) Les contraintes liées à l’inexistence d’assurance en prévention des pertes et dommages causés dans les infrastructures agricoles suite aux catastrophes naturelles.
D’autres facteurs plutôt d’ordre conjoncturel ont également handicapé la progression du secteur. On retrouve dans cette catégorie :
a) La rareté ainsi que le coût élevé des semences et engrais.
b) Les actions des gangs armés dans les régions agricoles.
c) La réduction de la main d’œuvre dans le secteur.
d) ) L’exode des familles agricoles.
e) e) Les contraintes de déplacements à travers les différentes régions.
Il convient aussi de noter que les retards ainsi que la réduction des projets dans le cadre des programmes de distribution de kits d’outillage, d’engrais et de semences aux petits cultivateurs et aux ménages agricoles ont constitué également des entraves à la bonne performance du secteur.
2.2- Chutes des Industries Extractives (CITI 05-09)
la valeur ajoutée des Industries Extractives,l’autre composante du secteur primaire dont la production est composée surtout d’extraction de roches, de gravier et de sable dans les carrières ainsi que de l’exploitation du sel marin au niveau des marais salants, s’est contractée de 6,2% en réalisant 5,9 milliards de gourdes en valeur constante contre 6,3 milliards en 2022.
A l’instar d’autres secteurs d’activité, la production de cette branche a été spécifiquement affectée par le ralentissement des activités dans des secteurs connexes tels que la Construction et les produits minéraux non métalliques, et de manière générale par la propagation de l’insécurité qui s’est intensifiée cette année au niveau des zones où se trouvent les principaux sites des carrières, particulièrement celles qui sont situées dans les hauteurs de Pétion-Ville, en amont de la plaine du Cul de Sac ainsi que dans la périphérie du Morne à Cabri.
Le repli de la branche des industries extractives est aussi lié à la baisse des activités enregistrée dans des branches connexes telles que la Construction et les Minéraux non Métalliques qui sont également en difficulté face à la situation générale du pays.
2.3- Recul des industries manufacturières (CITI 10-33)
Contrairement à l’exercice précédent (2021-2022) où l’on avait enregistré une croissance de 2,4% des industries manufacturières , la valeur ajoutée de celles-ci s’est rétrécie en 2023 de -2,6% avec seulement 106,4 milliards de gourdes constantes, contre 109,3 milliards l’année dernière.
La baisse observée au niveau de ce secteur provient surtout du fléchissement de 6,9% de la branche des industries textiles, d’habillement et de cuir qui détient la plus forte pondération (43,0%) par rapport à l’ensemble du secteur. En attestent les exportations totales des industries d’assemblage qui ont atteint 767,83 millions de dollars américains en 2023 contre 1073,6 millions en 2022, soit une chute de 28,5%.
Néanmoins, les industries de fabrication de produits alimentaires et de boissons ainsi que celles évoluant dans la fabrication d’ouvrages en métaux ont réalisé des accroissements de 0,9% et de 1,2%. Par contre, avec leurs poids respectifs (29,3% et 20,0%) inférieurs à celui des industries textiles, d’habillement et de cuir, leurs faibles croissances se révélaient nettement insuffisantes pour inverser la tendance globale du secteur manufacturier.
2.4- Régression des services de base
Les services de base renferment essentiellement la production et la distribution de l’eau et de l’électricité. Atteignant globalement 6,8 milliards de gourdes en terme réel à la fin de l’exercice fiscal 2023, la valeur ajoutée de cette branche a subi un repli de 9,3% par rapport à l’année antérieure.
Le déclin de cette branche est inhérent à la contre-performance de ses deux composantes, Electricité et Eau.
2.4.1- Electricité (CITI 35)
Après avoir connu une contraction de 19,3% en 2022, la valeur ajoutée de la branche Electricité a de nouveau régressé en 2023 avec un montant de 2,2 milliards de gourdes à prix constants contre 2,6 milliards l’année précédente, soit une chute de 14,4%. Le recul de la branche Electricité dérive essentiellement des mauvais résultats affichés, à la fois, par la production thermique et la production hydraulique.
En effet, la production thermique qui représente près de 48% de la production totale de l’électricité a chuté cette année de 42,6% par rapport à l’année dernière avec 146,4₄ millions de kWh, contre 255,2 millions de kWh en 2022. Les principaux facteurs à la base de cette déficience résultent d’un ensemble de contraintes récurrentes qui ont toujours limité la Compagnie d’Energie Electrique dans ses champs d’intervention. A titre indicatif :
a) Le dysfonctionnement pendant de longs mois de l’année de certaines centrales électriques tant au niveau de l’Aire Métropolitaine que dans les villes de province.
b) Les défaillances enregistrées dans les systèmes de transmission et de distribution à travers le pays.
c) Le manque de construction de petits réseaux à travers le pays afin de faciliter l’accès à l’énergie à une plus large partie de la population
d) Le manque d’investissement dans le secteur.
e) Les contraintes d’approvisionnement en mazout et d’acquisition de pièces de rechange.
f) Les contraintes provoquées par le fléau de l’insécurité.
g)Les prises clandestines qui ne cessent de gagner du terrain.
En ce qui concerne l’énergie hydraulique, la production issue de cette composante qui représente 52% de la production totale a elle aussi diminué passant de 184,5 millions de kWh en 2022 à 160,2 millions de kWh en 2023, soit une chute de 13,1% par rapport à 2022.
Le recul de la production de la composante hydraulique est consécutif au dysfonctionnement depuis plus d’une année des centrales de Caracol, Saut Mathurine, Délugé Lanzac et Onde Verte ainsi qu’à l’abaissement du niveau d’eau des barrages érigés dans les lacs et rivières par manque de précipitations de pluie. Toutefois, il faut signaler qu’en dépit de ces difficultés, la production issue des centrales hydrauliques a été supérieure à celle dérivant des centrales thermiques.
2.4.2 Eau (CITI 36-39)
A l’instar du secteur de l’Electricité, la sous branche Production et Distribution d’Eau et Assainissement a connu une fluctuation négative de 6,9% de sa valeur ajoutée évaluée à 4,6 milliards de gourdes à prix constants en 2023 contre environ 5,0 milliards en 2022.
Etablie à 32,5 millions de mètres cubes d’eau en 2022, la production globale de la branche Eau est tombée à 30,95 millions de mètres cubes à la fin de l’exercice fiscal 2023, soit un repli de 4,9%.
Les résultats déficients cumulés des deux segments de production à savoir les forages et les sources sont à l’origine de cette contre-performance. En effet, la production issue des sites de forages a subi une contraction de 6,7% passant de 20,6 millions de mètres cubes d’eau en 2022 à 19,3 millions au terme de l’année 2023. Parallèlement, la production provenant des sources a aussi légèrement régressé en totalisant 11,5 millions de mètres cubes d’eau en 2023 contre 11,9 millions en 2022, ce qui représente une décroissance de 3,2%.
De nombreux facteurs se retrouvent à la base de cette déficience, selon la DINEPA. On peut mentionner notamment :
a)L’aggravation de la situation sécuritaire du pays.
b) La sécheresse plus rude que d’habitude.
c) L’insuffisance des sources naturelles à travers le pays causant de grandes difficultés à la DINEPA.
d) Les difficultés de garantir la continuité du service de distribution à partir des stations de pompage d'eau potable sur toute l'étendue du territoire national.
e) Les troubles sociaux.
f) L’ensablement, la vétusté et la défaillance des canaux de distribution.
g) Les prises clandestines qui provoquent des pertes d’eau sur les réseaux.
h) Les contraintes financières car les bailleurs se montrent plus réticents d’année en année.
i)L’extension des zones d’influence des gangs armés entraînant des difficultés d’accès pour la construction ou la réhabilitation des infrastructures hydrauliques défectueuses, etc.
2.5- Baisse du secteur de la Construction (CITI 41 – 43)
Après une contraction de 6.0% en 2022, la Valeur ajoutée de la branche Construction (Bâtiments et Travaux Publics, BTP) a de nouveau fléchi au cours de l’exercice fiscal 2022- 2023. Se fixant à 25,6 millions de gourdes à prix constant en 2022, la valeur ajoutée de cette branche est tombée à 23,9 millions de gourdes cette année, soit une chute de 6,9 %.
A l’instar de l’année fiscale 2022, les dépenses d’investissement public allouées à ce secteur se sont révélées à nouveau insuffisantes pour dynamiser sa croissance. En dépit d’un accroissement significatif de l’investissement global, le montant affecté à la Construction, aux acquisitions de biens d’équipements et de machineries reste relativement faible
L’attentisme du secteur privé en général (entrepreneurs et ménages) provoqué par le phénomène de l’insécurité qui ne cesse de gagner du terrain a beaucoup contribué à la nouvelle contraction observée dans le secteur de la construction. Ainsi, certains hommes d’affaires du secteur privé et d’autres particuliers, notamment les compatriotes de la diaspora hésitent à se lancer dans des grands chantiers de construction à cause de la conjoncture hautement risquée du pays. D’autres particuliers qui avaient déjà des constructions en cours ont dû procéder à la fermeture de leurs chantiers par crainte d’être ciblés.
Les retards enregistrés dans l’exécution d’un certain nombre de travaux de construction et de réhabilitation d’infrastructures publiques à cause des lourdeurs administratives et autres contraintes participent aussi de la diminution des activités du secteur de la Construction en 2023. On pense ici, particulièrement, à ceux qui sont figurés dans les projets du Plan de Relèvement Intégré de la Péninsule du Sud (PRIPS).
2.6- Nouvelle contraction des branches Commerce (CITI 45–47), Transport et Entreposage (CITI 49-53), Hébergement et Restauration (CITI 55-56)
Cumulant 124,9 milliards de gourdes à prix constants à la fin de l’année fiscale 2023, la valeur ajoutée de ces trois branches d’activité qui représente 39,5% de l’ensemble du secteur Tertiaire s’est soldée par un recul de 8,3%, contre -7,5% pour l’exercice antérieur.
La branche Commerce de gros et de détail , la plus importante du groupe avec une pondération d’environ 88,0%, a eu, seulement, 110,0 milliards de gourdes de valeur ajoutée à prix constants en 2023, contre 119,5 milliards l’année dernière, soit une contraction de -8,0%.
Tributaire, essentiellement, des activités liées à la production nationale ainsi qu’aux importations de biens et de services, le fléchissement de la branche Commerce dérive, en partie, de la précarité du secteur agricole et de certaines branches des industries manufacturières locales dont la production s’est également affaiblie au cours de l’exercice. De même, comparées à l’année dernière où elles avaient cru, en volume, de 4,9%, les importations ont plutôt diminué cette année de 0,4%.
De par sa proximité avec le secteur commercial, la branche Transport et Entreposage a, elle aussi, épousé une tendance baissière. Avec une valeur ajoutée de 7,2 milliards de gourdes à prix constants, elle s’est considérablement déclinée en affichant une baisse de 13,0% contre -8,7% par rapport à l’année antérieure. Le secteur Transport a été aussi l’une des principales victimes de l’insécurité grandissante qui a marqué l’année 2023. Etant donné que le Transport est un service transversal, on peut dire que son recul découle de la baisse générale des activités économiques dans le pays.
Dépendant en grande partie des activités commerciales, du transport, du tourisme et d’un climat sécuritaire propice aux déplacements des gens, la branche Hébergement et Restauration a également évolué à la baisse. Évaluée à 8,4 milliards de gourdes à prix constants en 2022, la valeur ajoutée de cette branche est tombée en 2023 à 7,7 milliards, soit une chute de 8,0%.
Tout comme c’était le cas l’année dernière, cette branche a fait, une nouvelle fois, les frais des effets néfastes du phénomène de l’insécurité. Pire encore, cette année, beaucoup d’hôtels de plage ont été mis à sac par les bandits armés. C’est le cas par exemple de plusieurs de ceux qui se trouvent sur la Côte des Arcadins, une zone qui, il n’y a pas trop longtemps, était l’une des principales destinations touristiques en Haïti, à la fois pour les Haïtiens et les étrangers.
2.7- Tendance haussière de la branche Communication (CITI 58-63)
La branche Communication la fourniture des services de Télécommunication et services connexes proprement dits ainsi que les services résultant de la production des activités d’Edition et de Diffusion et Programmation.
Après avoir atteint l’année dernière 13,5 milliards de gourdes en termes réels, la valeur ajoutée de cette macro branche est passée à 13,7 milliards en 2023, soit une progression de 2,1% comparativement à l’exercice antérieur.
En dépit de nombreuses difficultés éprouvées par rapport à la dégradation de l’environnement sécuritaire et d’autres contraintes auxquelles les compagnies ont eu à faire face, ce secteur a pu garder la tête hors de l’eau, probablement grâce à l’utilisation de plus en plus accrue des nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC) pour pallier un peu les problèmes de déplacement causés par l’insécurité des rues.
2.8-Augmentation des activités financières et d’assurances (CITI 54-66)
Après avoir progressé de 3,6% en 2022, la branche des activités financières et d’assurances a crû de nouveau en 2023. Se chiffrant à 21,1 milliards de gourdes au terme de l’année fiscale 2023, la valeur ajoutée globale de cette macro branche a augmenté en volume, de 4,6% comparativement à l’exercice antérieur où elle atteignait 20,2 milliards. Toutes les composantes du secteur financier ont concouru à sa croissance.
Le secteur bancaire a vu sa valeur ajoutée augmenter, en volume, de 3.5% contre 4.0% l’année précédente. S’agissant des micros finances ainsi que des autres institutions de crédit, elles ont enregistré un accroissement moyen de 2,7% de leur valeur ajoutée à prix constant, contre 4,0% précédemment.
De son côté, la valeur ajoutée du secteur des assurances a également évolué à la hausse passant de 7,8 milliards de gourdes en 2022, à 8,0 milliards en 2023, soit une progression en volume de 2,6%.
Tableau 4
VALEUR AJOUTÉE PAR BRANCHES D'ACTIVITÉ
EN MILLIONS DE GOURDES CONSTANTES
DE 2018-2019 A 2022-2022
BASE 2011-2012
code | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|
CITI | BRANCHES D'ACTIVITE | 2018-2019 | 2019-2020 | 2020-2021 | 2021-2022 | 2022-2023 |
SECTEUR PRIMAIRE | 116 735 | 110 573 | 106 066 | 101 277 | 95 585 | |
01-03 | Agriculture, Sylviculture et Pêche | 109 692 | 103 760 | 99 473 | 94 954 | 89 655 |
05-09 | Activité Extractives | 7 043 | 6 813 | 6 593 | 6 323 | 5 930 |
SECTEUR SECONDAIRE | 153 869 | 146 314 | 142 731 | 142 442 | 137 150 | |
Activité de fabrication | 113 269 | 108 515 | 106 696 | 109 281 | 106 447 | |
10-33 | Production et distribution d'Electricité, de gaz, de vapeur et climatisation | 5 105 | 3 818 | 3 194 | 2 576 | 2 204 |
35 | distribution d'eau; réseau d'assainissement; gestion des déchets et remise en état | 5 604 | 5 415 | 5 563 | 4 954 | 4 628 |
36-39 | Construction | 29 891 | 28 566 | 27 278 | 25 631 | 23 871 |
SECTEUR TERTIAIRE | 343 447 | 339 375 | 330 994 | 325 720 | 316 233 | |
45-47 | Commerce de gros et de détail, réparation de véhicules automobiles et de motocycles | 145 231 | 140 985 | 129 597 | 119 541 | 109 993 |
49-53 | Transport et entreposage | 14 368 | 10 893 | 9 048 | 8 263 | 7 193 |
55-56 | Activité d'hébergement et de restauration | 9 125 | 8 838 | 8 608 | 8 418 | 7 741 |
58-63 | Information et Communication | 12 578 | 12 633 | 12 896 | 13 463 | 13 750 |
64-66 | Activité Financières et d'assurances | 18 937 | 19 016 | 19 485 | 20 190 | 21 119 |
68 | Activité Immobilière | 26 213 | 26 512 | 26 820 | 27 097 | 25 536 |
84 | Administration Publique et défense; sécurité; sociale et obligatoire | 32 878 | 34 477 | 35 366 | 35 800 | 32 247 |
85 | Education | 28 627 | 29 240 | 30 157 | 31 325 | 32 043 |
89-88 | Santé et action Sociale | 22 801 | 23 597 | 25 207 | 26 573 | 26 952 |
69-75; 77-82; 90-96; 97-98 | Autres Activité de services | 32 689 | 33 182 | 33 810 | 35 050 | 34 659 |
VALEUR AJOUTÉE | 614 051 | 596 261 | 579 791 | 569 439 | 548 968 | |
IMPOTS NETS DES SUBVENTIONS | 32 892 | 29 297 | 34 518 | 34 537 | 43 751 | |
PIB | 646 943 | 625 558 | 614 309 | 603 976 | 592 719 | |
TAUX DE CROISSANCE DU PIB | -1.7 | -3.3 | -1.8 | -1.7 | -1.9 | |
SOURCE: DSE/ IHSI
2.9- Diminution des activités immobilières (CITI 68)
Contrairement à l’exercice passé où l’on avait dénoté une croissance, quoique légère, de la valeur ajoutée du secteur immobilier, celle-ci a en effet accusé une contraction relativement importante, passant de 27,1 milliards de gourdes en 2022 à 25,5 milliards en 2023, soit une baisse, en volume, de 5,8%.
Après avoir réalisé un taux d’accroissement moyen annuel de 1,5% durant les cinq dernières années (de 2018 à 2022), c’est la première fois que ce secteur s’est retrouvé en déclin depuis la chute de 1,3% qu’il avait connu en 2017. Cela traduit en quelque sorte une certaine résilience dudit secteur face aux multiples chocs que l’économie haïtienne a connus ces temps derniers.
La chute de cette année peut être inscrite dans le contexte de la crise sécuritaire aigue et de ses corollaires dont :
a)Le déplacement massif des familles abandonnant leurs maisons ou la fuite des zones à risque envahies par des bandits.
b) L’émigration d’un nombre incalculable de gens vers des pays étrangers.
c) L’accaparement et même l’incendie parfois de beaucoup de bâtiments par des bandits armés.
d) Forte pression de la demande sur les bâtiments disponibles dans les quartiers considérés comme étant moins risqués.
e) Décapitalisation de certains agents économiques évoluant dans le secteur immobilier
2.10- Hausse des services non marchands (CITI 84-94)
Le secteur des Services Non Marchands regroupe, essentiellement, les Institutions qui fournissent, gratuitement ou quasi gratuitement, des biens et services à la population. On y retrouve l’Administration Publique (APU), la Sécurité Sociale, les Collectivités Territoriales ainsi que les Institutions sans But Lucratif au Service des Ménages (ISBLSM).
De 35,8 milliards de gourdes, en termes réels, réalisés en 2022, la valeur ajoutée de ce secteur est passée à 37,2 milliards en 2023, soit un accroissement de 4,0% contre une hausse de 1,2% par rapport à l’année précédente.
La hausse des Services Non Marchands est compatible avec l’augmentation de 17,2%₆ du montant total de la masse salariale enregistré dans l’Administration Publique, passant de 63,0 milliards de gourdes en 2022 à 73,8 milliards en 2023.
2.11- Léger accroissement des branches Education (CITI 85), Santé et Action Sociale (CITI 86-88)
La macro branche Education, Santé et Action Sociale a progressé de 1,9% en 2023 avec 59,0 milliards de gourdes constantes de valeur ajoutée contre une croissance nettement plus élevée en 2022, soit 4,6% pour un montant évalué à 58,0 milliards de gourdes constantes.
Avec une valeur ajoutée équivalant à un peu plus de 32,0 milliards de gourdes à prix constants en 2023, la branche Education a enregistré un accroissement de 2,3%, un peu inférieur par rapport à la hausse de 3,9% de l’année dernière où la valeur ajoutée avait atteint 31,3 milliards de gourdes.
Selon certains responsables, des initiatives entreprises par le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) ont contribué en partie à l’amélioration des activités du secteur. Par exemple (i) la réhabilitation et la construction d’infrastructures scolaires notamment dans la Péninsule du sud dans le cadre des projets de la Fondation Carlos Slim de concert avec l’UNICEF (ii) la distribution de livres gratuits et (iii) la fourniture de cantines scolaires, pour ne citer que celles-là.
En ce qui concerne la branche Santé et Action Sociale sa valeur ajoutée se chiffre à 27,0 milliards de gourdes constantes en 2023, contre 26,6 milliards en 2022, soit un accroissement de 1,4%.
2.12- Autres Activités de Services (CITI 69-75; 77-82; 90-96; 97-98)
Les Autres Activités de Services renferment toutes les autres branches d’activités couvrant les codes (69-75; 77-82; 90-96; 97-98) de la Classification Internationale par Type d’Industries (CITI). Elles font principalement référence aux institutions de services qui viennent en appui à d’autres secteurs. A titre indicatif, on peut citer les producteurs de Services juridiques et comptables, les producteurs de Services d’activité d’appui aux entreprises, les producteurs de Services d’activités d’enquête et de sécurité, etc.
La valeur ajoutée à prix constant de cette macro branche qui se chiffrait à 35,1 milliards de gourdes en 2022 est passée à 34,7 milliards en 2023, soit une contraction, en volume, de 1,1%.
III- OFFRE et DEMANDE GLOBALES
L’Offre Globale qui est égale à la Demande Globale n’a atteint que 840,9 milliards de gourdes constantes à la fin de l’année fiscale 2023, contre 853,0 milliards en 2022, soit une décroissance, en volume, de -1,4%. Tout comme le PIB qui a chuté en 2023, l’Importation, l’autre composante de l’Offre Globale a légèrement diminué, en volume, de 0,4%, totalisant un montant de 248,1 milliards de gourdes au terme de l’année fiscale 2023, inférieur à celui de 2022 qui était de 249,1 milliards.
Parmi les produits les plus importants dans la structure des importations haïtiennes, ce sont surtout les produits comestibles minéraux (-8,5%), les produits chimiques (-16,3%) et les articles manufacturés (-9,0%) qui ont le plus régressé en 2023. Par contre, les produits alimentaires qui représentent environ 17,0% du total des importations ont augmenté de 39,9%, atteignant en valeur nominale, 1087,9 millions de dollars américains en 2023, contre 777,7 millions en 2022.⁷
Tableau 5
OFFRE & DEMANDE GLOBALES
EN MILLIONS DE GOURDES COURANTES
DE 2018-2019 A 2022-2023
BASE 2011-2012
AGGREGATS | 2018-2019 | 2019-2020 | 2020-2021 | 2021-2022 | 2022-2023 |
PRODUIT INTERIEUR BRUT | 1 249 213 | 1 547 377 | 1 699 208 | 2 168 222 | 2 798 324 |
IMPORTATION | 429 690 | 398 049 | 508 604 | 635 088 | 713 985 |
OFFRE GLOBALE | 1 678 904 | 1 945 427 | 2 207 812 | 2 803 312 | 3 512 309 |
CONSOMMATION | 1 311 336 | 1 513 810 | 1 780 244 | 2 302 433 | 2 977 146 |
CONSOMMATION FINALE DES MENAGES | 1 195 947 | 1 374 547 | 1 615 216 | 2 110 774 | 2 756 432 |
CONSOMMATION FINALE DES APU | 90 854 | 106 016 | 126 575 | 149 697 | 173 966 |
CONSOMMATION FINALE DES ISBLM | 24 534 | 33 246 | 38 452 | 41 961 | 46 747 |
FORMATION BRUTE DE CAPITAL FIXE (FBCF) | 234 184 | 330 076 | 306 674 | 343 926 | 387 671 |
EXPORTATION | 133 384 | 101 540 | 120 893 | 156 952 | 147 491 |
DEMANDE GLOBALE | 1 678 904 | 1 945 427 | 2 207 812 | 2 803 312 | 3 512 309 |
SOURCE: DSE/ IHSI
Tableau 5 (suite)
OFFRE & DEMANDE GLOBALES
EN MILLIONS DE GOURDES CONSTANTES
de 2018-2019 A 2022-2023
Base 2011-2012
AGGREGATS | 2018-2019 | 2019-2020 | 2020-2021 | 2021-2022 | 2022-2023 |
PRODUIT INTERIEUR BRUT | 646 942 | 625 814 | 614 309 | 603 976 | 592 718 |
IMPORTATION | 283 925 | 232 029 | 237 439 | 249 114 | 248 145 |
OFFRE GLOBALE | 930 868 | 857 844 | 851 748 | 853 099 | 840 864 |
CONSOMMATION | 745 856 | 724 138 | 738 011 | 745 222 | 748 425 |
CONSOMMATION FINALE DES MENAGES | 675 816 | 645 981 | 653 370 | 648 760 | 649 846 |
CONSOMMATION FINALE DES APU | 55 875 | 62 071 | 68 101 | 80 088 | 82 771 |
CONSOMMATION FINALE DES ISBLM | 14 165 | 16 085 | 16 539 | 16 372 | 15 807 |
FORMATION BRUTE DE CAPITAL FIXE (FBCF) | 127 888 | 98 249 | 69 962 | 63052 | 51 934 |
EXPORTATION | 57 123 | 35 456 | 43 774 | 44 815 | 40 054 |
DEMANDE GLOBALE | 930 868 | 857 844 | 851 748 | 853 090 | 840 864 |
SOURCE: DSE/ IHSI
En ce qui concerne la Demande Globale, hormis la Consommation Finale Totale qui a crû de 0,4% en 2023, toutes les autres composantes de la demande interne et externe ont affiché une tendance baissière. La hausse de la Consommation Finale Totale résulte du comportement différencié des différentes consommations finales. Celles des Ménages et de l’Administration Publique ont relativement progressé, alors que celle des ISBLSM a chuté.
En effet, la Consommation Finale des Ménages a affiché une croissance positive de 0,2%, en réalisant 649,8 milliards de gourdes, en termes réels, contre 648,8 milliards en 2022. Cette légère hausse peut être attribuée à l’apport des envois de fonds de la diaspora qui, quoique légèrement diminué par rapport à 2022, a probablement contribué à tirer la Consommation Finale des Ménages. Evidemment, en faisant l’hypothèse que, tenant compte de la situation particulière que la population haïtienne a vécue en 2023, contrairement aux années précédentes, la totalité ou presque des envois de fonds des travailleurs (transferts sans contrepartie) ont été exclusivement utilisée à des fins de consommation finale.
On peut aussi supposer que les milliards de gourdes inscrits dans le cadre du Programme d'Urgence Multisectoriel d'Apaisement et de Réinsertion Sociales des Groupes Vulnérables (PUMARSGV), mis en place par le Gouvernement et financé par le Trésor Public, ont permis aux ménages d’atténuer un peu l’impact de l’inflation sur leur pouvoir d’achat et par conséquent d’acquérir un certain nombre de biens et services sur le marché.
La Consommation finale de l’Administration Publique (APU) s’est aussi accrue, en volume, totalisant 82,8 millions de gourdes constantes en 2023, contre 80,1 millions en 2022, soit une hausse de 3,3%. Ces dépenses de consommation finale ont été, en partie, rendues possibles grâce aux performances appréciables des organismes de perceptions fiscale et douanière qui ont pu obtenir une importante hausse (56,5%)⁸ des recettes de l’Etat au cours de cette année.
S’agissant de la formation Brute de Capital Fixe, FBCF (Investissement), un recul considérable de cette composante de la demande interne a été observé. Chiffrés à 51,9 milliards de gourdes constantes en 2023, contre 63,1 milliards en 2022, elle a ainsi affiché une forte chute de 17,6% par rapport à l’exercice antérieur.
Contrairement aux deux années précédentes, la demande externe, plus précisément l’Exportation, a subi une forte contraction au point même où l’on pourrait considérer cet indicateur comme un thermomètre qui donne une idée du bas niveau de l’état de santé de l’économie haïtienne en 2023. En effet, après la hausse record (23,5%) des exportations en 2021, celle relativement faible de l’année dernière (2,4%), les exportations, en valeur constante, ont fortement chuté (-9,6%) en 2023. Elles se chiffrent à 40,5 milliards de gourdes, contre 44,8 milliards en 2022.
Par ailleurs, l’analyse du panier des exportations d’Haïti en 2023 indique que l’exportation des articles manufacturés (produits d’assemblage), représentant près de 35,0% du total des exportations, a considérablement baissé par rapport à 2022, tombant à 329,96 millions de dollars américains en 2023, contre 449,34 millions en 2022, soit une contraction de 26,6%⁹ . Cette baisse des activités, notamment dans le secteur textile, n’est pas sans conséquence sur la masse ouvrière de la sous-traitance qui, de septembre 2022 à septembre 2023, avait déjà perdu 11262 emplois, passant d’un total de 53387 pour tomber à 42125, soit un recul de plus de 21,1%¹⁰.
Quelques informations récentes recueillies, au moment de la rédaction de « Les Comptes Economiques en 2023 » , indiquent que la situation du pays continue d’impacter la bonne marche des entreprises. Les pertes d’emplois seraient nettement plus prononcées au premier trimestre de l’année fiscale en cours. Par exemple, toujours au niveau de la sous-traitance, on était déjà en octobre 2023 à environ 39624 emplois, soit une perte de 2501 emplois en un mois, c’est-à-dire de septembre à octobre. Certains établissements industriels très connus, et qui sont quasiment des « entreprises témoins » de leurs branches d’activité respectives, sont obligées de fermer leurs portes sous la pression des groupes armés.
Cependant, toujours concernant les industries d’exportation, une lueur d’espoir a été perçue comme une sorte d’éclaircie dans la grisaille, car certains produits ont pu, malgré tout, tirer leur épingle du jeu dans cette conjoncture extrêmement morose. C’est le cas par exemple (i) des huiles essentielles avec 35,4 millions de dollars en 2023 contre 23,4 en 2022, soit une hausse de 51,2%, ou (ii) des fruits de mer avec 16,6 millions de dollars en 2023, contre 12,4 en 2022, soit un accroissement de 34,1%¹¹.
IV- PERSPECTIVES
De nombreuses incertitudes sur l’avenir immédiat du pays tant sur le plan politique, social qu’économique règnent toujours dans les esprits de la population en général et des opérateurs économiques en particulier. Selon eux, il est fort probable que les mêmes obstacles qui ont prévalu en 2023 seront toujours présents en 2024. Cet état d’esprit est de nature à faire perdurer l’attentisme qui a caractérisé les agents économiques en 2023 et qui, naturellement, ne joue pas du tout en faveur d’une relance véritable des activités économiques.
Ces dernières années, outre les bouleversements sociopolitiques, l’insécurité a été considérée comme étant la cause majeure de l’enlisement de la quasi-totalité des secteurs d’activité. Comme on a pu le constater, durant ces cinq dernières années, l’économie a été prise en otage par la crise politique et son corollaire que constitue le fléau de l’insécurité. Plus d’un se demande quand est ce que l’économie haïtienne finira-t-elle par reprendre ses droits ? La réponse est entre les mains des différents secteurs de la vie nationale qui doivent définitivement converger vers une solution consensuelle à la crise sociopolitique afin de résorber le problème de l’insécurité. Par exemple :
Ce sera difficile d’obtenir le reflux de l’inflation à un seul chiffre, c’est-à-dire à un niveau qui permettrait d’éviter des dysfonctionnements majeurs dans l’économie ainsi que l’érosion considérable du pouvoir d’achat des ménages. En effet, contenir l’inflation à un seul chiffre paraît problématique à cause, entre autres, de l’augmentation continue du prix de revient des marchandises, due à la persistance du rançonnage des transporteurs de passagers et de marchandises par les gangs armés sur les principaux axes routiers reliant la Capitale économique au reste du pays.
De même, il est prévu une croissance de 1,5% du PIB en 2024. Qu’il s’agisse d’une relance de l’économie par la Demande ou par l’Offre, la résolution de cette crise multidimensionnelle reste et demeure un passage obligé pour pouvoir atteindre cet objectif et fournir ainsi aux opérateurs économiques le climat propice aux affaires qui fait tant défaut.
À la fin du premier trimestre de l’année fiscale 2024, on serait tenté de dire qu’il est encore temps pour les divers secteurs de la vie nationale de prendre toutes les dispositions approprié afin de trouver un modus operandi pour voir, par analogie avec le titre d’un vieux film, « Comment sauver le Soldat Économique » . Néanmoins, ils doivent se dépêcher parce que l’économie n’est pas une science exacte et la temporalité est un paramètre indispensable dont on doit inévitablement tenir compte afin d’obtenir les résultats escomptés. Autrement dit, il faut agir vite pour pouvoir véritablement se donner la probabilité de concrétiser l’objectif de croissance fixé pour l’exercice fiscal 2023-2024.