LES COMPTES ECONOMIQUES EN 2024



I- RÉSUMÉ : LE PRODUIT INTÉRIEUR BRUT A ENCORE CHUTÉ EN 2024

L’économie haïtienne a affiché en 2024 sa sixième année consécutive de contraction. Le Produit Intérieur Brut (PIB), en valeur constante, est estimé à 568,0 Milliards de gourdes pour l’exercice fiscal 2023-2024, contre 592,7 Milliards pour l’exercice fiscal antérieur, soit un repli de 4,2%. Cet abaissement constitue le plus fort déclin de l’économie, jamais enregistré, depuis la chute de 5,7% du PIB en 2009-2010, consécutive au séisme dévastateur du 12 janvier de la même année.

En effet, le pays a connu au cours de ces six dernières années un enchaînement d’événements défavorables, impactant grandement l’économie haïtienne en particulier - avec une décroissance en moyenne annuelle de 2,3% du PIB - et la vie politique et sociale du pays en général. Parmi les événements qui sont à l’origine du fort affaiblissement de l’économie et de la quasi paralysie de la vie sociale, au cours de ces dernières années, on relève notamment la pandémie du Covid 19, les cataclysmes naturels, l’assassinat du Président de la République - avec l’instabilité politique et sociale accrue qui s’en est suivie - et surtout la crise sécuritaire sans précédent avec son lot de criminalité, de décapitalisation et de destruction de richesses.

L’économie a été, encore une fois, victime des soubresauts politiques, jumelés avec un fléau d’insécurité sans commune mesure dans l’histoire contemporaine du pays. Les conséquences de cette situation, notamment en termes de contraintes dans la libre circulation des gens et des biens, de ralentissement drastique des activités, de fermeture ou de déplacement de certaines entreprises, de pertes d’emplois et de déplacés internes, ont grandement contribué à anémier l’économie haïtienne, diminuant ainsi considérablement sa capacité à créer de la richesse en 2024.

Outre les entraves liées à l’écoulement des marchandises à l’intérieur du pays, en raison du blocage des routes nationales numéro 1 et 2 qui desservent pas moins de neuf départements sur dix, la fermeture temporaire de l’aéroport international Toussaint Louverture au cours des deuxième et troisième trimestres de l’année fiscale 2024, la suspension des vols commerciaux pendant la même période, ainsi que le refus de certaines compagnies maritimes de long cours de rentrer dans le Port International de Port-au-Prince, se révèlent être un choc énorme pour l’offre de biens dans l’économie nationale

Toutes les branches d’activité ont subi les conséquences désastreuses desdits chocs. Ainsi, la contre-performance du PIB en 2024 résulte de la chute combinée des trois grands secteurs d’activité économique. Le Secteur primaire, avec environ 90,2 Milliards de gourdes, en valeur constante, a régressé de 5,7% contre 5,6% en 2023. De leurs côtés, avec seulement 130,8 et 304,0 Milliards de gourdes constantes, les valeurs ajoutées des secteurs secondaire et tertiaire ont chuté respectivement de 5,0% et de 3,9%, comparativement à l’année précédente.

TABLEAU 1
VALEUR AJOUTÉE PAR GRANDS SECTEURS D'ACTIVITÉ
EN MILLION DE GOURDES CONSTANTES
De 2019-2020 A 2023-2024
BASE 2011-2012
VARIATION
SECTEURS D'ACTIVITÉ 2019-2020 2020-2021 2021-2022 2022-2023 2023-2024 Annuelle
En 2024
SECTEUR PRIMAIRE 110 573 106 066 106 066 101 277 90 153 -5,7
SECTEUR SECONDAIRE 146 314 142 731 142 442 137 150 130 803 -4,6
SECTEUR TERTIAIRE 339 375 330 994 325 720 316 223 303 953 -3,9


SOURCE: DSE / IHSI

Graphique 1
Répartition du PIB Sectoriel


Hormis le déclin du PIB, représentant l’offre interne, la situation qui a prévalu dans les ports et aéroports constituait également des goulots d’étranglement pour l’offre externe, en l’occurrence, l’Importation de biens qui a chuté considérablement (16,2%). De leurs côtés, toutes les composantes de la demande globale ont également souffert de la situation générale délétère du pays en 2024. La Consommation Finale, la Formation Brute de Capital Fixe et l’Exportation ont toutes affiché des tendances baissières avec des taux de décroissance respective, relativement forts de 4,4%, 36.3% et de 31,9%. La diminution de la Consommation finale aurait pu être beaucoup plus prononcée sans cette bouffée d’oxygène qu’ont toujours représentée les envois de fonds des travailleurs de la diaspora. Ils ont franchi la barre de quatre milliards de dollars cette année : 4111,00 millions contre 3753,25, soit une hausse significative de 9,5%.¹

Par ailleurs, tout en restant excessivement élevées dans l’économie, les hausses des prix ont affiché une certaine décélération par rapport à l’année fiscale 2023. L’Indice Général des Prix à la Consommation (IPC), dont la variation mesure l’inflation, a terminé l’année fiscale avec des hausses respectives en glissement et en moyenne annuels de 27.9% et 25,8 % en 2024 contre 31,8% et 44,1% en 2023.



Tableau 2
Evolution mensuelle de l'Indice des Prix à la Consommation (IPC)
Exercices fiscaux (2020-2021 A 2023-2024)
Mois 2020-2021 2021-2022 2022-2023 2022-2023 Glissement annuel en % Glissement annuel en %
Octobre 157.7 188.7 277.7 341.1 47.1 22.8
Novembre 158.5 197.5 287.4 351.1 45.5 22.2
Décembre 160.1 199.5 295.8 358.6 48.2 21.2
Janvier 162 200.8 299.7 362.5 49.9 20.9
Février 163.7 204.9 303.6 373.6 48.2 23.0
Mars 165.5 208.3 308.8 391.3 48.3 26.7
Avril 167.0 211.6 312.9 398.2 47.9 27.3
Mai 168.7 215.6 315.7 404.9 46.4 28.3
Juin 170.8 220.4 317.1 40.9 43.9 28.9
Juillet 174.3 227.5 317.9 413.3 39.8 30.0
Aout 177.9 234.9 322.4 41.9 37.3 29.3
Septembre 180.5 250.2 329.9 421.8 31.8 27.9
Moyenne Annuelle 167.2 213.3 307.4 386.8 44.1 25.8


Source Bureau des Prix / IHSI

Graphique 2
Evolution de l’Indice des Prix à la Consommation
Variation en glissement annuel


Parmi les facteurs qui ont contribué au ralentissement de l’inflation en 2024 on peut mentionner notamment (i) une meilleure disponibilité du carburant par rapport à l’année dernière (ii) une baisse et relative stabilité du taux de change sur le marché formel qui est passé de 141 gourdes en moyenne pour un dollar américain en 2023 à 132.² gourdes en 20242 (iii) la réduction du financement monétaire du déficit fiscal (iv) la baisse relative des cours mondiaux par rapport à l’année précédente, telle que corroborée par l’indice FAO des produits alimentaires qui s’est établi à 113,1 en 2024 contre 119,8 en 2023, enregistrant ainsi une baisse de 5,6%.³ .





Tableau 3
Evolution du taux de change 1
Exercices fiscaux (2020-2021 A 2023-2024)
Mois 2020-2021 2021-2022 2022-2023 2023-2024 Glissement annuel en % Glissement annuel en %
Octobre 64.0 99.8 122.1 133.6 22.4 9.4
Novembre 64.3 98.7 135.1 132.6 36.8 -1.8
Décembre 71.3 100.1 143.1 132.0 43.0 -7.8
Janvier 72.5 101.2 147.1 131.6 45.4 -10.6
Février 74.1 102.1 149.3 131.8 46.2 -13.1
Mars 78.1 104.4 152.6 132.6 46.2 -13.1
Avril 82.7 106.2 153.3 132.3 44.4 -13.7
Mai 88.1 109.1 143.1 132.5 31.1 -7.4
Juin 91.2 112.6 138.1 132.3 22.7 -4.2
Juillet 93.7 113.6 137.0 131.8 20.6 -3.9
Aout 96,2 121.3 135.9 131.5 12.0 -3.2
Septembre 97.4 116.5 134.7 131.6 15.7 -2.3
Moyenne Annuelle 81.1 107.1 141.0 132.2 32.1 31.6


1: Taux de référence de la BRH


SOURCE:IHSI/BRH



Graphique 3
Evolution mensuelle du taux de change Variation en glissement annuel


Par contre, il existe toujours dans l’économie des facteurs à forte tendance inflationniste qui continuent de tirer les prix à la consommation, notamment :

• le renchérissement de manière incontrôlée et imprévisible du prix de revient des marchandises en raison du rançonnage des transporteurs de marchandises et de passagers pratiqué par les gangs armés sur les principales routes nationales ;

• le déséquilibre sans cesse croissant entre l’offre et la demande de biens sur le marché à cause de l’empêchement de la libre circulation des biens, de la baisse de la production nationale et des importations ;

• l’incertitude généralisée qui a prévalu continue d’alimenter les anticipations des agents économiques avec des effets induits sur les rebondissements des prix à la consommation ;

La persistance de l’inflation à deux chiffres dans une économie en dépression est très problématique. Elle érode énormément le pouvoir d’achat déjà précaire des ménages, limitant ainsi davantage leur accès à la consommation des biens de première nécessité. Ajoutée aux centaines de milliers de déplacés internes qui ne peuvent plus exercer leurs petites activités informelles génératrices de revenus (quoique faibles), ce niveau élevé de l’inflation est de nature à accroître la population en insécurité alimentaire et à aggraver la détérioration de ses conditions de vie. A ce propos, selon le rapport du mois d’août 2024 de la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) sur l’IPC (Integrated Phase Classification), un total de 5,4 millions de personnes risquait déjà de se trouver en situation d’insécurité alimentaire aiguë.



II- ANALYSE SECTORIELLE DU PIB

2.1- Chute de l'Agriculture(CITI 01-03)


La valeur ajoutée, en volume, de la macro-branche Agriculture, Sylviculture, Elevage et Pêche qui se chiffrait à 89,7 milliards de gourdes en 2023 est tombée à 84,6 milliards en 2024, soit un recul de 5,6%. Même si l’Agriculture n’a plus la même importance des années 80 en termes de participation au PIB, la chute vertigineuse enregistrée dans ce secteur depuis ces six dernières années devient de plus en plus préoccupante dans la mesure où, jusqu’à présent, cette branche d’activité représente l’une des principales occupations de la population active du pays, avec une prédominance, certes, en milieu rural. En effet, que ce soit l’agriculture commerciale ou de subsistance, c’est ce secteur d’activité qui emploie le plus de gens dans l’arrière-pays, bien qu’on ait décelé depuis quelque temps un « déplacement générationnel vers d’autres activités non-agricoles en milieu rural »⁴ .

Le secteur agricole représentant la principale source de revenus pour une forte proportion de la population se trouve en de très grandes difficultés depuis plusieurs décennies. Les échanges avec les experts du MARNDR et de la CNSA révèlent que les obstacles auxquels font face le secteur sont, à la fois, d’ordre structurel, naturel et conjoncturel.

Sur le plan structurel, la chute de la production agricole est inhérente à la résurgence des multiples défis et contraintes récurrents qu’on évoque avec lassitude et qui ne cessent de saper les bases de ce secteur de manière continue. Il s’agit principalement :
▪ des contraintes liées à l’irrigation ;
▪ de l’insuffisance d’investissement ;
▪ de l’insécurité foncière ;
▪ de la défaillance des infrastructures agricoles ;
▪ de la dégradation des espaces cultivables ;
▪ de l’érosion ;
▪ du manque de crédits en faveur des exploitants agricoles ;
▪ de l’inexistence d’un système d’assurance en prévention des pertes et dommages suite aux catastrophes naturelles ;

Sur le plan naturel, l’année fiscale 2024 a plutôt été marquée par une longue période de sécheresse, s’étendant sur les trois premiers trimestres de l’année, mais avec beaucoup plus d’intensité entre février et avril. Ce dérèglement climatique a impacté certaines cultures dont, les légumineuses et les cultures maraichères. Il a aussi affecté la campagne de printemps qui est la plus importante du cycle végétatif. La rudesse de la sécheresse a fait tarir des puits d’eau, brûler certaines cultures et empêcher certaines autres de germer et de se développer.

Le dernier trimestre qui coïncide avec la saison pluvieuse (cyclonique) a été plutôt marqué par des chutes de pluie abondantes issues des séquelles des ouragans qui ont traversé la région caraïbéenne, provoquant des inondations dans certaines parties du Grand Nord et du Grand Sud du pays.

Certaines cultures climato résilientes ont pu, néanmoins, résister aux effets pervers de ces aléas. C’est le cas, entre autres, du manioc, de l’igname et de la patate douce qui ont enregistré des hausses respectives de 4.2%, 2.2% et 2.9%⁵ , comparativement à l’exercice antérieur.

Sur le plan conjoncturel, la chute de la valeur ajoutée du secteur agricole en 2024 peut être attribuée directement ou indirectement aux conséquences néfastes des exactions des gangs armés sur les activités du secteur depuis la semence jusqu’à la commercialisation en passant par la récolte. En effet, l’augmentation du prix des engrais à cause de la situation générale du pays, la chute de la main d’œuvre agricole dans certaines régions en raison de la pression ambiante et l’obstruction des voies d’accès empêchant l’écoulement des denrées sont parmi les facteurs conjoncturels qui ont mis à mal les activités de la filière agricole en 2024.

Les agriculteurs ont dû faire face à l’augmentation excessive des prix de l’engrais et des semences. La situation demeure toutefois plus cruciale pour les cultivateurs de la Grande-Anse et du Sud car l’accès à ces zones est beaucoup plus difficile par rapport aux autres régions du pays.

Outre la hausse des prix, le fléau de l’insécurité a constitué un énorme goulot d’étranglement, obligeant une partie des paysans et cultivateurs surtout les plus jeunes, à délaisser l’exploitation de la terre pour s’adonner à d’autres activités qu’ils jugent plus rentables, question de s’assurer de leurs moyens de subsistance.

S’il est vrai que l’année 2024 a été rudement affectée par une longue période de sécheresse, le principal obstacle a surtout résidé dans l’empêchement pour les cultivateurs de pouvoir aisément se déplacer de leur lieu de production au lieu de vente de prédilection, en l’occurrence, l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince, à cause de ce qu’il se passe sur les routes nationales 1 et 2.

2.2- Baisse continue des Industries Extractives (CITI 05-09)


Avec une valeur ajoutée estimée à 5,5 milliards de gourdes constantes, contre 5,9 l’année précédente, les Industries Extractives, la deuxième composante du secteur primaire, se sont contractées de 6,8% en 2024.

Spécialisé dans l’exploitation des carrières et des marais salants pour l’extraction du sable, du gravier, de roches et du sel marin, le secteur des industries extractives épouse généralement la même tendance affichée par les secteurs connexes Bâtiments et Travaux Publics et Minéraux Non Métalliques qui sont les principaux demandeurs de ses produits. Ce secteur fait aussi continuellement face aux défis causés par l’insécurité généralisée, parce que la majorité des sites de carrières se trouvent dans des zones qui sont sous l’influence des gangs armés, surtout au niveau de la Région Métropolitaine de Port-au-Prince.



2.3- Contraction des industries manufacturières (CITI 10-33)


Le recul observé l’année dernière au niveau du secteur manufacturier persiste encore cette année à un rythme beaucoup plus accéléré. Avec environ 102,2 milliards de gourdes de valeur ajoutée, à prix constants, contre 106,5 milliards l’année dernière, cette macro branche qui représente approximativement un cinquième de la valeur ajoutée brute totale de l’économie, s’est repliée de 4,0% en 2024, alors que sa chute était seulement de 2,6% en 2023.

On retrouve à la base de cette déficience du secteur le déclin de ses deux branches d’activité prédominantes, à savoir la branche des industries de fabrication de produits alimentaires, boissons et tabac ainsi que celle relative aux fabrications de textiles, d’articles d’habillement et de cuir qui pèsent conjointement 71,6% dans le secteur et qui ont chuté respectivement de 3,9% et de 4,8% par rapport à l’année fiscale précédente.

La branche des industries de fabrication de produits alimentaires, boissons et tabac qui vient en deuxième position dans le secteur manufacturier, a connu sa deuxième année consécutive de régression après la légère hausse en 2022. Sa valeur ajoutée à prix constants a décru en 2024 de 4,4%, accumulant 29,2 milliards de gourdes constantes contre 30,5 milliards en 2023. Le recul de cette branche d’activité provient, à la fois, des défis structurels qui lui sont propres, mais aussi des mêmes contraintes conjoncturelles liées à la crise sécuritaire auxquelles font face les autres secteurs de l’économie.

Les industries textiles qui représentent 43,2% du secteur manufacturier sont aussi en butte à de multiples difficultés :
• problèmes liés à l’insécurité généralisée ;
• coût excessif de certains facteurs de production ;
• pénurie de cadres et de main d’œuvre qualifiée ;
• compétition par rapport aux autres pays de la région ;
• manque d’espaces industriels ainsi que leur coût élevé de location ;
• éviction de certains petits métiers, liés à l’industrie textile, par la commercialisation des vêtements usagés.

La baisse des industries textiles découle de celle des exportations des industries d’assemblage vers les Etats-Unis d’Amérique à base de matières premières importées qui ont atteint 260,1⁶ millions de dollars américains en 2024 contre 329,96 millions en 2023, soit une contraction de 21.1%. Les problèmes rencontrés cette année au niveau des ports ouverts au commerce extérieur n’ont pas été sans effet sur les industries du textile.



2.4- Baisse continue des services de base


Avec une valeur ajoutée correspondant à 6,6 milliards de gourdes constantes, les services de base, composés essentiellement de la production et de la distribution d’électricité et d’eau ont régressé de 4,0% au terme de l’année fiscale 2024 contre -9,3% enregistré pour l’exercice antérieur.

Le fléchissement des services de base découle de l’évolution différenciée des deux composantes du secteur.



2.4.1- Electricité (CITI 35)


En difficulté de manière progressive, depuis près d’une décennie, en matière de quantité d’énergie électrique produite, la situation parait de plus en plus compliquée pour ce secteur d’activité aussi important que stratégique en dépit d’une modeste croissance résultant surtout de l’acquisition d’énergie provenant d’opérateurs privés.

En effet, la valeur ajoutée de ce secteur d’activité qui avait atteint 2,2 milliards de gourdes constantes en 2023, se chiffre à 2,3 milliards à la fin de l’exercice fiscal 2024, soit une progression de 5,6%.

Selon les données recueillies, la hausse observée provient surtout du fort accroissement de la production d’énergie électrique du secteur privé, fournisseur de l’ED’H, et de la légère hausse enregistrée au niveau de la Centrale hydroélectrique de Péligre. Totalisant 184,9 millions de KW en 2024, contre 144,7 millions en 2023, la production d’électricité indépendante vendue à l’Ed’H a crû de 27,7%. Pour la composante hydraulique, la production de la Centrale de Péligre est passée de 158,9 millions de KW en 2023 à 161,4 millions en 2024, soit une augmentation de 1,6%⁷ .

Outre les contraintes conjoncturelles relatives à la crise sécuritaire, impactant particulièrement la production des centrales thermiques, le secteur de l’électricité fait face depuis des années à des défis structurels chroniques tels que : (i) les problèmes d’endettement et de recouvrement (ii) les difficultés d’approvisionnement en pièces de rechange et d’autres accessoires nécessaires (iii) les défaillances au niveau des systèmes de production et de distribution.



2.4.2 Eau (CITI 36-39)


A l’instar de la branche Electricité, le secteur de l’eau a enregistré une importante baisse en 2024. Atteignant 4,2 milliards de gourdes de valeur ajoutée à prix constants, il s’est replié de 8,6% par rapport à l’année 2023 où il avait atteint 4,6 milliards.

Plusieurs facteurs ont impacté le secteur de l’eau :
• Le manque d’infrastructures hydrauliques ;
• les défaillances enregistrées sur certaines infrastructures existantes ;
• les défis de rétention de cadres talentueux ;
• les contraintes posées par l’insalubrité ;
• l’impact des désastres naturels notamment la rude sécheresse de cette année ;
• les effets environnementaux et sociaux sur le secteur de l’eau ;
• les difficultés liées à l’acquisition de pièces de rechange et d’autres accessoires ;
• les problèmes liés à l’insécurité.



2.5- Régression du secteur de la Construction (CITI 41 – 43)


Après avoir enregistré des variations négatives durant les cinq dernières années, le secteur de la Construction a de nouveau régressé en 2024. Ce secteur qui constitue l’un des principaux piliers de l’économie haïtienne fait face depuis quelque temps à des difficultés récurrentes.

Accumulant 22,1 milliards de gourdes constantes de valeur ajoutée pour l’année fiscale 2024, la Construction s’est repliée de 7,5% par rapport à l’année 2023 où sa valeur ajoutée se chiffrait à 23,9 milliards de gourdes.

Cette chute peut être attribuée d’une part à l’insuffisance des investissements publics dans le secteur qui affecte l’exécution d’un ensemble d’ouvrages de constructions et de réhabilitation d’infrastructures. A noter que, comparé à l’exercice fiscal antérieur, le montant des dépenses allouées aux Projets d’Investissements Publics a connu une importante réduction de 56,1%⁸ .

D’autre part, ce recul peut-être aussi imputé aux effets démotivants de la crise socio politique et sécuritaire qui a provoqué une sorte d’attentisme chez les agents économiques du secteur privé qui sont souvent victimes d’extorsions de la part des groupes armés.


2.6- Contraction des branches Commerce (CITI 45–47), Transport et Entreposage (CITI 49-53), Hébergement et Restauration (CITI 55-56)


De manière cumulative, la valeur ajoutée de ces trois branches d’activité dont le poids équivaut à 36,9% au sein du secteur des services a atteint en 2024 seulement 113,0 milliards de gourdes, à prix constants, contre 124,9 milliards en 2023, soit une baisse de 9,6%.

La branche Commerce , la principale du groupe, compte, à elle seule, 100.8 milliards de gourdes constantes de valeur ajoutée en 2024 contre 110,0 milliards en 2023, ce qui constitue une décroissance de 8,3%.

Plusieurs facteurs se retrouvent à l’origine de la déficience de cette branche. On peut citer :
▪ la faiblesse de la production nationale ainsi que la baisse du niveau des importations ;
▪ le ralentissement des activités suite à la fermeture de l’Aéroport International et la suspension des vols au cours de l’exercice ;
▪ les destructions d’institutions commerciales ainsi que des marchés publics au cours de l’exercice ;
▪ L’insécurité généralisée.

La branche Transport et Entreposage qui dépend essentiellement des activités de distribution (du Commerce) a également pâti des difficultés de toutes sortes qui ont affecté le Commerce. En effet, établie à 7.2 milliards de gourdes, à prix constants, à la fin de l’exercice fiscal 2023, la valeur ajoutée de cette branche est tombée à 6,2 milliards en 2024, soit une baisse de 13,6%.

Parmi les facteurs qui sont à l’origine de cette fluctuation négative, on peut évoquer :
• le ralentissement général des activités dans le pays ;
• la diminution des zones de desserte par les transporteurs en raison de l’extension des espaces contrôlés par les gangs armés ;
• l’augmentation des postes de rançonnage par des bandits armés ;
• la dégradation des routes et des voies de pénétration ;
• l’augmentation élevée des prix d’acquisition de pièces de rechange et accessoires ainsi que les coûts d’entretien et de réparation.

De son côté, la branche Hébergement et Restauration qui a des ramifications avec les activités commerciales et le transport continue de subir, de plein fouet, les impacts négatifs de la crise sécuritaire. Avec une valeur ajoutée évaluée, en terme réel, à 7,0 milliards de gourdes à la fin de l’année fiscale 2024, elle a connu une diminution significative de 9,5% par rapport à l’exercice antérieur où elle avait atteint 7,7 milliards.

Hormis les défis structurels chroniques qui ont toujours entravé le développement de la filière touristique en Haïti (Hôtels. Restaurants, Stations balnéaires, etc.), force est de reconnaître que, durant ces six dernières années, ce sont, fondamentalement, les conséquences désastreuses du fléau de l’insécurité qui ont plombé les activités dudit secteur. En effet, en plus des visiteurs étrangers qui deviennent quasiment inexistants, le tourisme local est presqu’impossible en raison notamment des risques encourus par les usagers des principales routes nationales et de la fermeture ou cessation des activités de certaines stations balnéaires, jadis très fréquentées par les touristes locaux et étrangers.


Tableau 4
VALEUR AJOUTÉE PAR BRANCHES D'ACTIVITÉ
EN MILLIONS DE GOURDES CONSTANTES
DE 2019-2020 A 2023-2024
BASE 2011-2012
code
CITI BRANCHES D'ACTIVITE 2019-2020 2020-2021 2021-2022 2022-2023 2023-2024
SECTEUR PRIMAIRE 110 573 106 066 101 277 95 585 90 153
01-03 Agriculture, Sylviculture et Pêche 103 760 99 473 94 954 89 655 84 162
05-09 Activité Extractives 6 813 6 593 6 323 5 930 5 541
SECTEUR SECONDAIRE 146 314 142 731 142 442 137 150 130 803
Activité de fabrication 108 515 106 696 109 281 106 447 102 168
10-33 Production et distribution d'Electricité, de gaz, de vapeur et climatisation 3 818 3 194 2 576 2 204 2 327
35 distribution d'eau; réseau d'assainissement; gestion des déchets et remise en état 5 415 5 563 4 954 4 628 4 230
36-39 Construction 28 566 27 278 25 631 23 871 22 078
SECTEUR TERTIAIRE 339 375 330 994 325 720 316 233 303 953
45-47 Commerce de gros et de détail, réparation de véhicules automobiles et de motocycles 140 985 129 597 119 541 109 993 100 849
49-53 Transport et entreposage 10 893 9 048 8 263 7 193 6 216
55-56 Activité d'hébergement et de restauration 8 838 8 608 8 418 7 741 7 004
58-63 Information et Communication 12 633 12 896 13 463 13 750 13 955
64-66 Activité Financières et d'assurances 19 016 19 485 20 190 21 119 21 791
68 Activité Immobilière 26 512 26 820 27 097 25 536 23 945
84 Administration Publique et défense; sécurité; sociale et obligatoire 34 477 35 366 35 800 32 247 38 542
85 Education 29 240 30 157 31 325 32 043 31 394
89-88 Santé et action Sociale 23 597 25 207 26 573 26 952 25 721
69-75; 77-82; 90-96; 97-98 Autres Activité de services 33 182 33 810 35 050 34 659 34 534
VALEUR AJOUTÉE 596 261 579 791 569 439 548 968 524 908
IMPOTS NETS DES SUBVENTIONS 29 297 34 518 34 537 43 751 43 097
PIB 625 558 614 309 603 976 592 719 568 005
TAUX DE CROISSANCE DU PIB -3.3 -1.8 -1.7 -1.9 -4.2


SOURCE: DSE/ IHSI

2.7- Hausse de la branche Communication (CITI 58-63)


Cette branche d’activité intègre les services de Télécommunications la fourniture des services et services connexes proprement dits ainsi que les services résultant de la production des activités d’Edition et de Diffusion et Programmation . La valeur ajoutée à prix constant de cette branche qui était évaluée à 13,7 milliards de gourdes en 2023, est estimée à 14.0 milliards en 2024, soit un accroissement en volume de 1,5%, contre 2,1% précédemment.

2.8-Croissance positive des activités financières et d’assurances (CITI 54-66)


Selon les estimations préliminaires, la valeur ajoutée constante de cette macro branche a atteint 22,0 milliards de gourdes au terme de l’année fiscale 2024, contre 21,8 milliards l’exercice précédent. Il en résulte une hausse de 3,2%, légèrement en baisse par rapport à celle de l’année dernière qui était de 4,6%.


2.9- Chute des activités immobilières (CITI 68)


Après avoir fléchi en 2023 (5,8%), la branche des activités immobilières a, de nouveau, régressé au terme de l’exercice fiscal 2024. En effet, se chiffrant à 23,9 milliards de gourdes constantes en 2024, contre 25,5 milliards précédemment, la valeur ajoutée de cette branche s’est contractée, en volume, de 6,2%.

Les facteurs à la base de la chute du secteur immobilier, cette année encore, ne sont pas différents de ceux qui l’avaient impacté l’année dernière. C’est la même situation qui a prévalu, mais avec plus d’intensité, compte tenu de tous les évènements qui se sont produits au cours de l’exercice fiscal 2024. Cette branche se révèle être l’une des principales victimes directes des retombées de la crise sécuritaire notamment avec :

a) le déplacement massif des familles abandonnant leurs maisons qui sont situées dans des zones envahies par des gangs ;

b) l’accaparement ou la destruction par les bandits de certains bâtiments commerciaux ou résidentiels ;

c) la forte pression de la demande sur les bâtiments disponibles dans les quartiers considérés comme étant moins à risque ;

d) la décapitalisation de certains agents économiques évoluant dans le secteur Immobilier.



2.10- Administration Publique et défense… (CITI 84-94)


De 37,2 milliards de gourdes, en termes réels, réalisés en 2023, la valeur ajoutée de cette branche est passée à 38,5 milliards en 2024, soit un accroissement de 3,5%, un peu moindre que celui de 4,0% de l’année précédente.

La hausse des Services de l’Administration Publique est toutefois compatible à une légère augmentation de 1,44%9 du montant total de la masse salariale enregistré dans l’Administration Publique, passant de 73,8 milliards de gourdes en 2023 à 74,9 milliards en 2024.



2.11- Chute des branches Education (CITI 85), Santé et Action Sociale (CITI 86-88)


La valeur ajoutée de la macro branche Education, Santé et Action Sociale a enregistré une chute de 3,2% passant de 59,0 milliards de gourdes constantes en 2023 à 57,1 milliards en 2024. Cette chute résulte de la contre-performance de chacune des deux branches.

Avec une valeur ajoutée équivalant à 31,3 milliards de gourdes, à prix constants, en 2024, la branche Education a régressé de 2,0% par rapport à l’exercice antérieur où elle avait atteint 32,0 milliards.

Gravement affectée cette année par les problèmes liés à l’insécurité, la baisse de la valeur ajoutée, en volume, de l’ Education peut être attribuée à la fermeture de plusieurs écoles publiques et privées limitant ainsi la fréquentation scolaire.

Toutefois, cette baisse a été partiellement compensée par l’augmentation, dans certains cas, des frais de scolarité dans les écoles opérationnelles, entrainant ainsi une augmentation de la valeur ajoutée du point de vue nominal.

En ce qui concerne la branche Santé et Action Sociale sa valeur ajoutée se chiffre à 25,7 milliards de gourdes constantes en 2024, contre 27,0 milliards en 2023, soit une reduction de 4,6 %.

Sévèrement affectée, également, par l’insécurité, la mauvaise performance enregistrée par cette sous branche aurait été plus prononcée si elle n’était atténuée, à l’instar de la branche Education , par la hausse des frais en soins de santé, conduisant à une certaine augmentation de la valeur ajoutée en terme nominal. .



2.12- Chute légère des Autres Activités de Services (CITI 69-75; 77-82; 90-96; 97-98)


Les Autres Activités de Services renferment toutes les autres branches d’activités couvrant les codes (69-75 ; 77-82 ; 90-96 ; 97-98) de la Classification Internationale par Type d’Industries (CITI). Elles font principalement référence aux institutions de services qui viennent en appui à d’autres secteurs. A titre indicatif, on peut citer les producteurs de Services juridiques et comptables, les producteurs de Services d’activité d’appui aux entreprises, les producteurs de Services d’activités d’enquête et de sécurité, etc.

La valeur ajoutée à prix constant de cette macro branche qui se chiffrait à 34,7 milliards de gourdes en 2023 est passée à 34,5 milliards en 2024, soit une légère contraction, en volume, de 0,4%.




III- OFFRE et DEMANDE GLOBALES

Le pays a subi plusieurs chocs qui ont agi directement ou indirectement sur l’Offre Globale dans l’économie en 2024.

L’Offre interne a été fortement handicapée, en raison des voies d’accès obstruées par les gangs armés, du rançonnage pratiqué par ces derniers et de l’inaccessibilité des plus grands marchés publics de la ville de Port-au-Prince (Croix des Bossales, La Saline, Marché Salomon, etc). Cet état de fait a rendu quasiment impossible les échanges entre le reste du pays et sa capitale économique. Parmi les grandes victimes de cette situation rocambolesque on retrouve nos valeureuses Madan Sara qui, dans l’histoire du pays, ont toujours été les principales « fournisseuses » en denrées agricoles des grands marchés publics de l’Aire Métropolitaine. Les « Madan Sara » constituent un pilier de l’économie informelle pour ne pas dire de l’économie tout court, parce qu’on les retrouve à la fois du côté de l’offre et de la demande. En effet, habituellement, quand elles viennent écouler leurs produits dans la capitale, elles en profitent pour acheter des produits manufacturés fabriqués localement ou importés. Elles représentent ainsi un grand marché pour le secteur formel de l’économie.

L’Offre externe, en l’occurrence l’Importation, a été également affectée par les événements qui se sont produits en février 2024 et qui ont conduit à la fermeture de l’aéroport international Toussaint Louverture et à la suspension des vols commerciaux pendant plusieurs mois. Ajouté à cela, la paralysie temporaire des activités dans le Port international de Port-au-Prince - suite à la décision de certaines compagnies maritimes de navigation au long cours de ne plus rentrer à Port-au-Prince à cause des actions des gangs armés - a aussi impacté le niveau des importations au cours de l’année fiscale 2024.

Finalement, l’Offre Globale, composée du PIB et de l’Importation, a été estimée à 776,0 milliards de gourdes constantes à la fin de l’année fiscale 2024, contre 840,9 milliards en 2023, soit une décroissance, en volume, de 7,7%. Ainsi, en plus du PIB (offre interne) qui a chuté de 4.2%, l’Importation aussi a fortement régressé de 16.2%, passant de 248,1 milliards de gourdes constantes en 2023 pour tomber à, seulement, 208.0 milliards en 2024.





Tableau 5
OFFRE & DEMANDE GLOBALES
EN MILLIONS DE GOURDES COURANTES
DE 2019-2020 A 2023-2024
BASE 2011-2012
AGGREGATS 2019-2020 2020-2021 2021-2022 2022-2023 2023-2024
PRODUIT INTERIEUR BRUT 1 547 377 1 699 208 2 168 222 2 798 324 3 336 428
IMPORTATION 398 049 508 604 635 088 713 985 628 820
OFFRE GLOBALE 1 945 427 2 207 812 2 803 312 3 512 309 3 965 248
CONSOMMATION 1 513 810 1 780 244 2 302 433 2 977 146 3 520 164
CONSOMMATION FINALE DES MENAGES 1 374 547 1 615 216 2 110 774 2 756 432 3 281 372
CONSOMMATION FINALE DES APU 106 017 126 575 149 697 173 966 189 706
CONSOMMATION FINALE DES ISBLM 33 246 38 452 41 961 46 747 49 086
FORMATION BRUTE DE CAPITAL FIXE (FBCF) 330 076 306 674 343 926 387 671 331 620
EXPORTATION 101 540 120 893 156 952 147 491 113 464
DEMANDE GLOBALE 3 965 248 1 945 427 2 207 812 2 803 312 3 512 309


SOURCE: DSE/ IHSI



Tableau 5 (suite)
OFFRE & DEMANDE GLOBALES
EN MILLIONS DE GOURDES CONSTANTES
de 2019-2020 A 2023-2024
Base 2011-2012
AGGREGATS 2019-2020 2020-2021 2021-2022 2022-2023 2023-2024
PRODUIT INTERIEUR BRUT 625 814 614 309 603 976 592 718 568 005
IMPORTATION 232 029 237 439 249 114 248 145 208 027
OFFRE GLOBALE 857 844 851 748 853 099 840 864 776 032
CONSOMMATION 724 138 738 011 745 222 748 425 715 372
CONSOMMATION FINALE DES MENAGES 645 981 653 370 648 760 649 846 615 863
CONSOMMATION FINALE DES APU 62 071 68 101 80 088 82 771 84 099
CONSOMMATION FINALE DES ISBLM 16 086 16 540 16 373 15 808 15 421
FORMATION BRUTE DE CAPITAL FIXE (FBCF) 89 411 69 962 63 052 51 934 33 074
EXPORTATION 43 177 43 775 44 816 40 504 27 585
DEMANDE GLOBALE 856 726 851 748 853 090 840 864 776 032


SOURCE: DSE/ IHSI


En ce qui concerne la Demande Globale qui est égale à l’Offre Globale, hormis la Consommation Finale de l’Administration Publique qui a crû de 1.6% en 2024, toutes les autres composantes de la demande interne et externe ont affiché une tendance baissière. Ainsi, la baisse de la Consommation Finale Totale résulte du comportement différencié des différentes consommations finales, puisqu’à l’opposé de la Consommation de l’Administration Publique, celle des deux autres secteurs institutionnels à savoir les Ménages et les ISBLSM ont plutôt chuté.

L’autre composante de la demande interne, la Formation Brute de Capital Fixe (FBCF), appelée couramment Investissement, a aussi énormément contracté en 2024 pour la sixième année consécutive. Sauf que c’est la plus forte baisse, en volume, jamais enregistrée depuis des années. La FBCF est passée de 51.9 milliards de gourdes constantes en 2023 à 33.1 milliards en 2024, enregistrant ainsi une chute vertigineuse de (36.3%). Ce sera difficile de renverser cette tendance tant qu’on n’aura pas résorbé le problème de l’insécurité accrue qui met presque tous les agents économiques dans une situation extrêmement difficile, quasiment au bord de la faillite pour plusieurs d’entre eux.

Par ailleurs, comme on pouvait s’y attendre, avec la situation générale délétère du pays et les problèmes spécifiques rencontrés au niveau du Port de la Capitale et de l’Aéroport Toussaint Louverture, la demande externe (Exportation) a également diminué, passant de 40.5 milliards de gourdes constantes en 2023 à 27.6 milliards en 2024, accusant ainsi une baisse considérable, en volume, de 31.9%. Depuis la hausse de 23,5% enregistrée en 2021, l’exportation n’a fait que diminuer au cours des années postérieures. Cette forte diminution de l’Exportation à prix constants en 2024, après celle de l’année dernière (9.6%), illustre bien, s’il en était besoin, l’état anémique dans lequel est plongée l’économie haïtienne.

La structure des exportations révèle que les articles manufacturés, ou plus précisément les produits des industries d’assemblage, représentant près de 34% de l’ensemble des exportations, ont chuté de 21.1%. Ils sont passés de 329,96 millions de dollars américains pour l’année fiscale 2023 à 260,21 millions en 202410. C’est le plus bas niveau de l’exportation des articles manufacturés depuis plus d’une décennie. Il faut remonter jusqu’à l’année 2012 pour trouver les articles manufacturés en dessous de 300 millions de dollars. Les chiffres sur les pertes d’emplois démontrent clairement la situation extrêmement difficile que traverse le secteur depuis plusieurs années à cause, entre autres défis, de la crise politique et sécuritaire.

De septembre 2021 où le nombre d’emplois dans le secteur atteignait presque la barre de soixante mille emplois (58461), on est tombé successivement à 53387 en septembre 2022, 42125 en septembre 2023 et, le plus bas niveau, 28272 en septembre 2024, soit une perte de plus de trente mille emplois (30189)11. Autrement dit, sur les cinq dernières années le secteur a perdu plus de trente mille emplois, soit 30189, dont 13853 durant seulement l’année fiscale 2024.

Les autorités haïtiennes et les membres du secteur privé entreprennent actuellement des démarches en vue du renouvellement, en faveur du pays, de la loi HOPE/HELP par le Gouvernement américain. Cette loi offre à Haïti un avantage comparatif certain dans la mesure où elle lui permet de bénéficier de l’exonération de droits de douane sur l’exportation de toute une panoplie de produits textiles sur le marché américain. A cet égard, le renouvellement de cette loi constituera indubitablement une bonne bouffée d’oxygène qui va sans nul doute contribuer à booster le secteur textile. Toutefois, les entraves immédiates qui sont liées à la crise sécuritaire doivent être aussi adressées afin de permettre le fonctionnement normal et régulier des entreprises concernées.





IV- PERSPECTIVES

L’environnement général contraignant qui a plombé l’économie haïtienne en 2024 peut avoir les mêmes effets si elle perdure en 2025. Ainsi, les perspectives de croissance demeurent encore relativement sombres à l’horizon du prochain exercice fiscal. Malgré tout, certains signes avant-coureurs laissent augurer, quoique timide, une certaine croissance de l’économie en 2025.

En effet, l’engagement pris par le Gouvernement dans le cadre de l’«Évaluation Rapide de l’Impact de la Crise Sécuritaire en Haïti (RCIA) » peut amener l’économie haïtienne à renouer avec la croissance en 2025. Dans le Plan d’investissements du RCIA, il est prévu une enveloppe de 1,35 milliards de dollars pour répondre aux besoins immédiats durant les deux prochaines années. De ce montant, 34,0% (450,19 millions) seront alloués à la Formation Brute de Capital Fixe (FBCF), notamment pour la remise en état des infrastructures économiques et sociales. Il est prévu également, entre autres, un support au secteur privé, l’objectif étant « la relance de l’économie via des appuis cibles à l’investissement privé générateurs de richesses ».

Il existe au moins deux conditions sine qua non pour que les actions envisagées puissent être réalisées et produire les résultats escomptés :
• les fonds qui ne sont pas encore disponibles doivent être mobilisés dans un délai raisonnable afin de pouvoir respecter la temporalité qui est un paramètre tout aussi important en économie. Si le financement du RCIA n’est pas assuré à temps, il risque de ne pas avoir d’impacts réels sur la croissance de l’économie en 2025.
• Le rétablissement de la sécurité et de la libre circulation des gens et des biens reste un passage obligé pour pouvoir recréer le climat propice aux affaires et à la reprise de la vie nationale. On peut être animé de toutes les bonnes intentions, si la crise sécuritaire continue de perdurer ce sera extrêmement difficile pour l’économie de prendre son envol.

D’autre part, en ce qui concerne le secteur textile - grand pourvoyeur d’emplois directs dans l’économie formelle et d’emplois indirects dans l’économie informelle - il faut espérer que les autorités haïtiennes et les membres du secteur privé vont continuer à poursuivre les démarches en vue du renouvellement de la loi HOPE/HELP. Cette loi offre à Haïti un avantage comparatif certain dans la mesure où elle lui permet de bénéficier de l’exonération de droits de douane sur l’exportation de toute une série de produits textiles sur le marché américain. A cet égard, le renouvellement de cette loi constituera indubitablement un atout majeur qui pourra sans nul doute contribuer à booster le secteur textile. Par contre, les entraves immédiates qui sont liées à la crise sécuritaire doivent être aussi adressées afin de permettre le fonctionnement normal et régulier des entreprises concernées.

Toutefois, on doit toujours garder à l’esprit que l’économie haïtienne souffre fondamentalement de déficits structurels chroniques. Les contraintes conjoncturelles provoquées par la crise sécuritaire sont tellement imposantes qu’elles arrivent à éclipser les causes structurelles de la précarité de l’économie, au point où, sans s’en rendre compte, on a tendance, dans les analyses, à attribuer tout ce qui ne marche pas aux effets de l’insécurité. A un moment donné, pour pouvoir définitivement placer le pays sur la voie de la relance économique et du développement durables, il faudra penser à adresser sérieusement les problèmes structurels de l’économie haïtienne.